Cela faisait plusieurs jours que Haiko arpentait les couloirs du manoir, seul avec son corbeau, qu'il gardait toujours sur l'épaule. A vrai dire, il s'agissait de la seule véritable compagnie qu'il avait pour le moment dans cet endroit inconnu. À part une très brève entrevue avec ses colocataires lorsqu'il était venu prendre connaissance de sa chambre, il n'avait pas parlé à une seule âme qui vive depuis son entrée au manoir. Comme à son habitude, il se contentait d'observer sans rien dire ce qui se passait autour de lui, afin de prendre ses repères dans le domaine.

D'un autre côté, son caractère plutôt asocial ne facilitait pas non plus les discussions. Il savait toujours quoi répliquer lorsqu'on lui parlait - même si ses réponses provocatrices étaient en général peu appréciées par ses interlocuteurs-, mais autrement, il ne se montrait pas très expansif. Il n'était pas du genre à lancer les conversations, sauf lorsqu'il avait une idée derrière la tête - ce qui était d'ailleurs tout sauf un bon signe-. Durant ces dernières années, lorsqu'il marchait encore dans le monde des vivants, le problème ne s'était pas posé. Il avait tout un groupe de yakuzas à ses pieds, auxquels il daignait adresser la parole quand bon lui semblait, même si ce n'était en général que pour leur communiquer les ordres de son supérieur ou, après son coup de force au sein du gang, ses propres ordres. Toutefois, ils n'avaient jamais rien été de plus que de simples associés par le crime. Pas des amis. À présent, il n'avait même plus de subordonné, ce qui rendait sa solitude totale.

Le jeune homme balaya les environs d'un regard blasé. Ce n'était pas la première fois qu'il se trouvait dans une telle situation. Son errance dans le manoir lui rappelait ses années au lycée, au début desquelles il s'était retrouvé à vagabonder seul, comme il le faisait en ce moment même. Il n'y avait donc rien de nouveau pour lui, même s'il enrageait secrètement d'en être de nouveau réduit à cela. Lorsqu'il était encore étudiant, il lui avait fallu attendre des mois avant qu'il soit rejoint par d'autres individus aussi peu fréquentables que lui, bien qu'il n'eût rien fait pour. Ici cependant, les résidents étaient apparemment loin d'être des enfants de chœur, ce qui pourrait peut-être favoriser les liens… même si, bien sûr, il n'était pas à une trahison près, tout comme certains d'entre eux, sans doute. À condition qu'il ne s'agisse pas de sombres imbéciles comme les gangsters qui l'avaient servi avant d'abandonner lâchement leur poste et de se soulever pathétiquement contre lui. À l'heure qu'il était, il espérait qu'ils étaient tous enterrés sous les décombres qu'avait laissés derrière elle l'explosion des charges qu'il avait enclenchées avant de rendre l'âme… D'ailleurs, maintenant qu'il y réfléchissait, si ces abrutis étaient morts, n'y avait-il pas des chances qu'ils aient eux aussi atterri dans la demeure dans laquelle il se trouvait ? Le yakuza sortit son couteau en ricanant pour lui-même, en faisant mine de se couper les ongles. S'il venait par hasard à les rencontrer en Enfer, ils pouvaient être certains qu'il tâcherait de leur rendre la vie… infernale.

Tout en continuant à marcher d'un pas furtif, il fut soudain arraché à ses pensées par des exclamations dans une salle située au bout du couloir dans lequel il se trouvait. Des humains et des démons y entraient ou en sortaient, avec des visages exprimant une profonde satisfaction pour les uns, et un profond dépit pour les autres. À en juger par la lumière vive, le bruit confus et l'agitation qui s'en dégageaient, il devait sans doute s'agir d'un casino, ou quelque chose dans ce goût-là. Pour avoir supervisé de son vivant plusieurs salles de jeux pour le compte de son clan, cela ne le surprendrait pas d'en voir un dans un endroit censé être le paradis des débauchés. Même s'il se demandait ce qu'il pouvait bien y avoir à parier dans un endroit où l'argent n'avait même pas cours.

L'espace sur lequel s'étendait la salle était vaste, néanmoins, la foule qui s'amassait autour des tables de jeux dispersées un peu partout la rendait presque étroite. Des cartes et des jetons s'amoncelaient un peu partout, tandis que le bruit incessant des billes tournant dans les roulettes se faisait entendre. Il y avait également un bar, sur le côté. C'était une bonne chose. Le jeune homme n'était pas particulièrement adepte des jeux de hasards comme ceux qui étaient proposés là, mais il souhaitait s'arrêter un moment, histoire de se détendre un peu. Il était plutôt curieux à propos de la teneur des paris qui pouvaient avoir lieu ici. Cela pouvait toujours être distrayant, et peut-être finirait-il même par y prendre part, s'il trouvait un partenaire. "J'ai du temps à tuer après tout." songea-t-il pour lui même, en haussant les épaules.

Il alla donc s'installer au bar et, après s'être fait servir à boire, il se retourna pour contempler avec amusement la mine décomposée des perdants qui se succédaient aux tables. En vérité, il ne lui déplairait pas de défier quelqu'un pour tenter de lui faire subir le même sort, surtout si les enjeux étaient intéressants...

Adossé contre le bar, Haiko observait avec attention les joueurs qui allaient et venaient entre les tables, un verre de vodka russe dans sa main droite. Du moins, s'il s'agissait bien là de vodka : il était relativement peu aisé de déterminer la provenance de quoi que ce soit dans cet endroit… Enfin, malgré son goût prononcé pour cette boisson, ce n'était pas ce qui lui importait le plus à cet instant précis. La scène qui se déroulait sous ses yeux lui paraissait autrement plus intéressante. Partout autour de lui, les paris allaient bon train, et l'absence de toute mise en jeu d'argent les rendait pour le moins… originaux.

Certes, les enjeux offraient plus ou moins d'intérêt selon les parties. Certains humains ne se rendaient là que pour régler quelques différends entre colocataires et tenter de "se mettre d'accord" autour d'une partie de cartes. Le yakuza était habitué à de tels procédés. Du temps où il vivait au sein du Sumiyoshi-kai, que les membres se devaient de considérer comme une seconde famille, les malentendus se résolvaient effectivement au blackjack ou au poker, la plupart du temps. Surtout lorsque l'organisation subissait des revers sur le plan des affaires, et qu'il fallait trouver un moyen d'apaiser les tensions… Ce n'était donc pas une bande de petits joueurs se querellant entre eux qui allaient retenir l'attention du jeune homme.

Lorsque les paris devenaient plus matériels, Haiko se sentait déjà davantage intéressé. La diversité des époques desquelles provenaient les habitants du manoir présentait alors un certain avantage : c'était l'occasion d'assister à un choc des cultures des plus fascinants. Rares étaient en effet les moments où l'on pouvait devenir sur un coup de dés propriétaire de pièces d'équipement telles qu'une hallebarde moyenâgeuse au tranchant aiguisé, un glaive de bronze remontant à la Rome antique ou bien encore une armure de la Chine impériale… Cependant, il possédait déjà un couteau dont la capacité à changer de forme lui permettait d'égaler un bon nombre d'armes blanches, tant que l'on ne demandait pas des lames trop sophistiquées. Pour ce qui était des armures… Eh bien, il n'était pas adepte du combat en terrain ouvert, ou tout du moins pas quant celui-ci devait s'éterniser, aussi ne lui seraient-elles pas d'une grande utilité… à moins que l'envie ne lui vienne de concourir dans l'arène du monde angélico-démoniaque, au sujet de laquelle il avait entendu parler quelques démons.

En revanche, ce qui le captiva le plus, ce fut sans doute les parties au cours desquelles les enjeux étaient, en quelque sorte, les joueurs eux-mêmes. Lors des matchs de ce type, chacun s'engageait, en cas de défaite, à servir le gagnant pendant une durée précise - de ce qu'il avait pu en voir, celle-ci était généralement d'une journée, mais d'autres, plus audacieux, allaient jusqu'à s'entendre sur une semaine complète. Cette perspective était plutôt plaisante… Il ne lui était pas franchement dur de deviner ce que beaucoup de succubes et incubes avaient en tête en se prêtant à de tels paris, mais lui comptait s'amuser bien à sa façon si, par hasard, il venait à remporter ce genre de défi… Il ne put réprimer un sourire mauvais rien qu'en y songeant.

Après, certains paris relevaient davantage de la folie que d'autre chose. Il leva un sourcil sceptique lorsqu'il vit une poignée d'humains miser leurs bagues au cours d'une partie de poker menteur. Quelle insouciance… Certes, Haiko appréciait les enjeux élevés et se plaisait lui-même à prendre des risques, mais pas au point de parier aux dés la source même du don qui lui avait été offert, même si le gain en contrepartie pouvait être considérable. Avoir de l'ambition était une chose, mais s'en remettre au hasard n'était ni plus, ni moins qu'un acte stupide… Sauf si l'on recourait à des méthodes peu orthodoxes pour forcer la chance en sa faveur, ce qui lui paraissait déjà plus envisageable. Mais cela restait une fois de plus dans le domaine du calcul, et non celui de l'aléatoire. "Et il n'est pas donné à tout le monde de savoir comment s'y prendre ." pensa Haiko avec un sourire arrogant aux lèvres, avant de prendre une autre gorgée de vodka.

Il lui sembla heurter légèrement quelque chose du coin de l'épaule tandis qu'il se réajustait sur sa place. Manifestement, ce ne devait pas être qu'une impression, puisqu'une voix peu amène s'éleva aussitôt derrière lui :

"Alors, l’humain, on pousse les démons ?"

Impassiblement, le jeune homme tourna la tête, et jaugea d'un œil condescendant l'intrus qui l'avait interpellé. Un démon, à en juger par ses paroles. Pourtant, son apparence contrastait radicalement avec l'image qu'on pourrait avoir d'un être de son espèce. Alors que sa voix était masculine, Haiko l'avait tout d'abord pris pour une fille, en raison de ses longs cheveux bruns qui descendaient en mèches autour de son visage et des boucles d'oreilles qu'il portait. Par ailleurs, ses vêtements étaient assez… particuliers, du point de vue du yakuza. Il était en effet vêtu d'une sorte de poncho aux tons beiges que venait compléter un pantalon noir et rouge et des chaussures sombres d'une forme peu commune… Un arrangement auquel il n'aurait pas songé. Cela lui donnait presque envie d'en rire, mais il se doutait qu'il ne valait mieux pas sous-estimer celui qui lui faisait face. Au vu de la façon dont il s'était adressé à lui, il avait l'air de chercher quelqu'un avec qui s'embrouiller. Cela tombait bien, lui aussi était d'humeur belliqueuse ce soir. Mais il n'avait pas envie de régler ça à l'arme blanche. Les jours qui avaient précédé sa mort avaient été particulièrement riches en courses-poursuites, durant lesquelles il avait dû alterner entre fuite et coups de couteau pour échapper à son ancien gang et à la police. Il était donc las du combat physique pour le moment, et il ne voulait pas s'y risquer à cet instant, d'autant plus qu'il n'avait jamais eu l'occasion d'affronter un démon, et qu'il ne valait mieux pas essayer avec celui-ci. Cela viendrait en temps voulu, lorsqu'il s'en sentirait le désir. Pour l'heure, il était plus enclin à combattre avec des cartes et des dés, inspiré par les paris qu'il avait pu observer précédemment.

Et ce démon offrait une opportunité parfaite pour un défi.

"Tu dois te tromper, démon, répliqua Haiko avec un rictus méprisant, en réponse à la réflexion que lui avait faite son interlocuteur. Je ne bouscule que ceux qui m'ennuient et qui feraient mieux de ne pas chercher à me provoquer."

Puis, après une pause pour reprendre une gorgée d'alcool, il ajouta :

"Mais, si tu manques de place, ce n'est pas un problème : il semblerait qu'il y ait pas mal d'espace aux tables, là-bas. Je suis sûr que les losers qui y traînent seront ravis de t'accueillir parmi eux. D'ailleurs, si tu me le demandes gentiment, je pourrai même me faire une joie de t'y conduire moi-même."

Portant de nouveau le verre à ses lèvres dont le coin était étiré par un sourire narquois, il planta son regard ardent dans celui du démon, attendant de voir sa réaction.

Ainsi donc, il ne s'était pas trompé… Voilà quelques jours seulement qu'il était arrivé au manoir, et il se trouvait déjà face à quelqu'un qui n'hésitait pas à lui tenir tête, après le maître tortionnaire. Si la plupart des habitants du domaine était du même genre, il pourrait peut-être s'y plaire pour un moment, en fin de compte… Il appréciait les défis, et les adversaires tenaces lui plaisaient. Il restait désormais à voir si le défi en question en vaudrait vraiment la peine…

"Je ne suis pas de ceux qui font des erreurs, humain. En disant ça tu ne penses pas pouvoir te mesurer à moi j'espère ?" s'exclama le démon, menaçant.

Le yakuza se mit à rire froidement en entendant ces mots.

"Et si c'est le cas ? demanda-t-il en haussant un sourcil moqueur. Ce serait une grande joie pour moi de t'apprendre l'humilité. Et si tu ne commets aucune erreur, c'est parfait. Ta défaite n'en sera que plus humiliante."

Un peu de provocation avant un duel était toujours distrayant. Il voulait voir si le démon avait les nerfs solides ou s'il perdrait son sang-froid. Après tout, rien n'était plus délectable que de voir un ennemi perdre ses moyens. Lui-même ne restait pas indifférent à la raillerie : ou bien elle le faisait ricaner lorsqu'elle ne le convainquait pas, ou bien elle l'exaspérait profondément. Dans tous les cas, il n'en laissait jamais rien paraître, comme à son habitude. Il ne tenait à montrer aucune de ses faiblesses. C'était l'adversaire qui devait plier avant lui.

Et il ne comptait pas s'arrêter là dans la moquerie.

"Non merci je ne suis pas ce genre d'homme mais... Si tu as quelque chose à perdre, je serais d'accord pour gagner face à toi, rétorqua son interlocuteur, qui ne se laissait pas démonter, en réponse à sa dernière réflexion.

- Donc tu acceptes d'aller te ridiculiser aux tables. Très bien. En ce qui concerne la mise… Eh bien, à part cet anneau - il désigna celui d'acier noir qu'il portait au majeur de sa main droite, il n'y a rien de matériel que je souhaite parier. Non, en fait, je n'ai même pas envie de le mettre en jeu, ça me déplairait de le voir entre des mains comme les tiennes… rectifia-t-il volontairement, avec un sourire méprisant. En revanche, pourquoi ne pas miser un peu de notre temps ? Après tout, c'est sans doute la seule chose qui présente encore de l'intérêt ici. En clair, poursuivit-il après une pause, si je remporte la partie, tu deviens mon esclave pendant une journée entière. Et inversement si, par hasard, un miracle se produit. Qu'en penses-tu... démon ?"

Reprenant une gorgée de sa boisson, il ajouta d'un ton plus doucereux :

"Si tu veux, on peut même élever la mise à une semaine…"

L'interrogation se voulait en apparence innocente, mais c'était ce pari que préférait avant tout le jeune homme. Cela lui plairait bien d'utiliser à son profit les pouvoirs d'un démon pendant quelques temps, histoire de régler certaines affaires qui remontaient à son séjour dans le monde des vivants, et tout simplement d'animer un peu le manoir… Mais encore fallait-il savoir de quoi celui-ci était capable. D'après ce qu'il avait entendu de-ci, de-là en parcourant le manoir durant ces derniers jours, il existait plusieurs classes de démons, les inférieurs et les supérieurs. À laquelle d'entre elles son adversaire pouvait-il appartenir ? A priori, les démons supérieurs étaient les plus puissants, il fallait donc espérer qu'il en fasse partie… Si ce n'était pas le cas, eh bien, il s'en contenterait. Après tout, ce n'était qu'un moyen comme un autre d'en savoir un peu plus sur ceux qu'il côtoyait dans le manoir, et de s'amuser un peu avec.

Après avoir achevé son verre, il le reposa sur le comptoir et se releva, avant de se tourner de nouveau vers le démon et d'annoncer, prenant un air arrogant :

"Bien, il est temps d'aller choisir la façon dont tu préfères ta défaite."

Il se dirigea d'un pas assuré vers la table de jeu libre la plus proche tout en jetant un œil glacial à ceux qui s'avisaient d'approcher, puis inspecta brièvement les cartes et les dés qui s'y trouvaient. Sortant de nouveau son couteau en faisant mine de se couper les ongles, il déclara à l'attention de son adversaire :

"Alors, à quel jeu allons-nous nous affronter ? Poker, blackjack, dés… ? Sinon, je connais une variante du poker menteur, plutôt simple à comprendre. L'ennui, c'est que nous ne sommes que deux, ce qui rend ce genre de jeux un peu moins intéressants. Mais si tu as des propositions, vas-y, je t'écoute. Je suis certain qu'il doit exister des jeux amusants en Enfer…" conclut-il avec un sourire en coin, cependant dépourvu de la moindre chaleur.

Et le voilà, Hao était en train d’essayer de s’amuser avec un humain, un nouveau qui plus est, cependant, il avait de la dégaine, il avait quelque chose de différent, il espérait être tombé sur quelqu’un de différent, sur quelqu’un qui saurait faire le poids. C’était toujours intéressant, éliminer les faibles, c’était bien, c’était cool, mais ce n’était en rien amusant, ça en devenait même lassant, alors qu’éliminer quelqu’un de plutôt fort… Ça c’était gratifiant. Enfin, gratifiant, dans le sens ou Hao le prenait, ou sûrement d’autres le prenait aussi… Aider les autres par exemple, ce n’était pas gratifiant, sauf quand ces autres pourront vous être utiles dans l’avenir… Cette personne qu’il venait de rencontrer semblait être… A peu près son miroir, physique mis à part – évidemment, il pense qu’il est le plus beau, y’a pas photo- . L’humilier hein ? Il voulait vraiment, il va voir ce qu’il va voir.

« L’humilité ? Je ne pense pas avoir besoin de l’apprendre. Il ne disait pas qu’il la connaissait déjà, non, l’humilité, il en avait rien à faire, il n’en avait pas besoin, c’était inutile. Ma défaite ? Parles-tu de toi à la deuxième personne jeune homme ? » Arrogance habituelle, ne t’en va jamais, tu es la meilleure amie d’Hao. Et sûrement la seule amie, d’ailleurs ? Possible, mais tant qu’il pouvait brûler des gens, tout lui convenait.

Non, il n’acceptait pas de se ridiculiser, il avait eu toute l’éternité depuis sa mort pour apprendre à jouer, voire même à tricher, mais tricher… Ici, ce n’était pas intéressant, ou alors à celui qui tricherait le mieux, il verrait déjà comment son adversaire jouerait… Il pouvait très bien jouer mieux que lui, il savait qu’il y avait des gens plus fort que lui, il n’était pas stupide, mais, il ne se laisserait jamais battre par un humain, ça non. Il parlait ensuite de sa bague. Il avait déjà son feu, cela ne l’aurait pas intéressé, tout ce qu’il l’intéressait c’était d’augmenter ses pouvoirs de feu.

« Tu ne souhaites pas la parier, mais même si tu l’aurais fait, cela ne m’aurait pas intéressé, j’ai déjà mes pouvoirs, je n’ai pas besoins de ceux de recours que l’on donne aux humains. Que tu deviennes mon esclave lorsque j’aurais gagné… Mais va aussi pour la semaine, il faut bien risquer un bon non ? Dans les deux cas, ça sera amusant. »

Hao souriait, c’était drôle, c’était amusant. Il allait sûrement gagner, parce qu’il était fort, mais il pouvait perdre aussi bien qu’il ne l’accepterait pas. Cependant, perdre… Ca serait amusant, parce qu’il pourrait le brûler… Oh, oui ça serait amusant. Ferait-il exprès de perdre dans ce cas ? Juste parce qu’il était curieux de passer son temps avec quelqu’un d’aussi intéressant que lui ? Est-ce que son égoïsme l’accepterait ? Il ne serait pas la risée des démons, parce qu’ils savaient tous que ce ne serait qu’un jeu de toute façon.

« Je te laisse choisir le jeu dans lequel tu vas perdre, c’est évident. Mais on est pas obligé de jouer aux cartes… » Il avait un sourire machiavélique … Il y avait toute sorte de jeux… Dommage qu’il soit interdit de tuer.

HRP : La joueuse ne s’y connait pas en jeu de carte surtout xD. Alors si tu fais un truc explique moi xD. J’ai jamais rien compris au Poker, et le blackjack non plus XD. Et ouai t’as compris, ça serait intéressant qu’il perde on Hao 8D Au fait sa couleur c’est #b00000

Décidément, les piques verbales semblaient bien parties pour durer, ce soir-là… Haiko n'était pas du genre à céder en quelque occasion que ce soit - sauf si nature traître lui soufflait que c'était la meilleure alternative -, et, visiblement, son adversaire aussi. S'ils ne se trouvaient pas dans la salle de jeux, ils en seraient probablement venus rapidement à un duel plus… physique. Cependant, le yakuza préférait éviter d'en arriver là. Un combat ne le tentait pas trop, pour le moment. Peut-être serait-ce le cas dans une heure, ou bien dans deux jours. Il n'arrivait lui-même pas à le prévoir. De même pour chacun de ses désirs. Ce qui comptait pour lui, c'était de se laisser guider par ses instincts. Et, à cet instant précis, son instinct présent, c'était de battre un démon aux cartes, et d'en faire son esclave pendant sept jours.

"L’humilité ? Je ne pense pas avoir besoin de l’apprendre. Ma défaite ? Parles-tu de toi à la deuxième personne jeune homme ?"

Le "jeune homme" ne put réprimer un sourire moqueur lorsqu'il entendit son interlocuteur l'appeler ainsi. Certainement à cause du fait que, physiquement, il paraissait légèrement moins âgé que lui. Toutefois, Haiko se doutait qu'il ne fallait pas se fier aux apparences. Les habitants du manoir étaient issus d'époques très variées, et ils avaient conservé l'apparence qu'ils avaient lors de leur mort. Ce démon pouvait très bien être là depuis des siècles tout en paraissant plutôt jeune.

"Non, ne t'inquiète pas, c'est bien à toi que je m'adressais. Je ne sais pas si c'est courant chez les Démons, mais, personnellement, je n'ai pas pour habitude de me parler seul…" répliqua-t-il, sarcastique.

Sauf si l'on prenait en compte les bouillonnements internes auxquels il était souvent en proie. Mais bon, ce genre de situation, tout le monde y était confronté. Peut-être l'était-il toutefois plus que la normale. Il fallait dire que l'asocialité avait ses revers… Et c'était pire encore au manoir, où il ne connaissait personne. Ce démon devait bien être la première personne à laquelle il parlait depuis le jour où il avait été accueilli dans la demeure. Même si, en l'occurrence, ce n'était pas une discussion des plus pacifiques qui soient. Mais c'était justement ce qui lui plaisait. Après tout, si l'on se contentait d'échanger de simples politesses, quel était l'intérêt de parler ? La perspective de pouvoir se mesurer aux autres était ce qu'il recherchait. Et, à vrai dire… il aimait qu'on s'intéresse à lui. En dépit de ce qu'il prétendait.

"Tu ne souhaites pas la parier, mais même si tu l’aurais fait, cela ne m’aurait pas intéressé, j’ai déjà mes pouvoirs, je n’ai pas besoins de ceux de recours que l’on donne aux humains. Que tu deviennes mon esclave lorsque j’aurais gagné… Mais va aussi pour la semaine, il faut bien risquer un bon non ? Dans les deux cas, ça sera amusant."

On en revenait donc à la question de la mise, la plus intéressante… Les propos de son adversaire l'intriguaient. Il évoquait ses "pouvoirs", mais ne donnait pas davantage de précisions les concernant. Était-ce du bluff, ou la puissance du démon pouvait-elle constituer un enjeu considérable ? Il espérait ne pas être déçu à l'issue de la partie. D'un autre côté, il se trouvait probablement être le plus avantagé dans ce défi… En effet, que pouvait valoir une semaine de la vie - ou plutôt, dans le cas présent, de l'éternité - d'un simple humain, ne savant manier qu'un simple couteau, à côté de celle d'un démon qui, le supposait-il, avait probablement plus de force que lui n'en avait ? Son ennemi devait avoir du cran - ou bien de l'insouciance - pour accepter une telle mise en jeu. Et si jamais il surestimait au contraire son pouvoir, eh bien… il n'avait peut-être pas l'intention de laisser son adversaire s'en tirer si facilement, si ce dernier l'emportait en fin de compte aux tables… Le don de sa bague n'attendait que d'être utilisé.

Cependant, il ne comptait pas le moins du monde perdre cette partie. Il l'avait raillé tout en conservant son calme, il l'avait incité à l'affronter sans se priver de faire miroiter sa future défaite. Maintenant, il devait le vaincre, ou tous les sarcasmes qu'il avait précédemment dressés contre le démon se retourneraient durement contre lui. Il n'avait certes pas d'honneur. Il ne s'en souciait nullement. Mais il avait beaucoup d'amour-propre. Et il risquait de ne pas véritablement apprécier d'être la risée auprès de ceux qui seraient témoins d'une éventuelle défaite de sa part, d'autant plus qu'il était formellement interdit de tuer qui que ce soit ici… Par ailleurs, il ne tenait pas à perdre son temps au service d'un démon pendant une semaine entière. Certes, sept jours, c'était bien peu en comparaison de l'éternité, mais, en tant qu'humain trépassé depuis peu, il ne s'était pas encore adapté au rythme local…

C'était simple. S'il voulait augmenter ses chances de remporter la victoire face à son adversaire, il devait faire ployer le hasard en sa faveur… Et pour cela, quoi de mieux que d'enfreindre légèrement les règles du jeu ? Il avait songé pour cela au blackjack. Le jeu de l'adversaire était visible, aussi ne serait-il pas difficile d'agir en conséquence, avec une carte supplémentaire en main…


"Je peux comprendre qu'il te soit difficile de te décider, en sachant que la défaite t'attend effectivement au bout, déclara-t-il après s'être accordé sur la façon dont il allait procéder. Ce sera donc une partie de blackjak. J'espère pour toi que tu sais comment y jouer… Je vais simplement apporter une modification aux règles, concernant la victoire. Puisqu'on ne parie ici pas d'argent et donc qu'on ne joue pas contre la banque, on va procéder en trois manches. Comme tu peux t'en douter, celui qui en gagne le plus l'emporte. En cas d'égalité - si jamais il y a match nul sur l'une des manches par exemple -, on en fera d'autres jusqu'à ce qu'on soit départagé. Mais j'imagine que le problème ne se posera pas, ça m'étonnerait que tu arrives à faire ne serait-ce qu'un nul.

Il marqua une pause, un sourire sardonique aux lèvres, avant de reprendre :

"Bien, je me propose de distribuer les cartes pour la première manche."

Ce qu'il fit sans même attendre la réponse de son adversaire. Tout en toisant le démon de ses yeux rougeoyants, il se mit à battre les cartes, d'un mouvement nonchalant. Il ne le quittait pas des yeux une seule seconde, arborant toujours ce même sourire qui agaçait souvent ses interlocuteurs. Puis, alors qu'il se préparait à distribuer les cartes entre les deux joueurs, il retira discrètement l'As de pique qu'il avait pris soin de placer en dessous du paquet, pour le placer vivement dans sa manche. C'était une technique de triche qui pouvait paraître assez banale, sans subtilité, presque un cliché. Mais lorsque l'on maîtrisait le geste, ça avait le mérite d'être très efficace. Il restait à espérer que l'autre n'ait rien vu.

Ce dernier ne lui avait fait aucune remarque lorsqu'il lui avait donné ses deux cartes, il supposa donc que sa petite manipulation était passée inaperçue. Toutefois, il valait mieux rester sur ses gardes, dans le cas où sa méfiance se réveillerait...

Le jeune homme jeta un oeil à ses cartes, qui étaient bien entendu disposées face visible, conformément aux règles du jeu. Une Dame et un neuf. Ce qui lui faisait un total de dix-neuf, donc. Voilà qui commençait mal... Il n'était pas suffisamment proche du vingt-et-un à son goût, mais la moindre carte d'une valeur supérieure à deux pouvait lui faire excéder ce nombre. Il se trouvait dans une situation bien délicate... Devait-il utiliser son As immédiatement, ou attendre la manche suivante ? Il n'arrivait pas à se décider. Toujours était-il que ce n'était pas à son tour de jouer. Le démon en face arriverait-il à faire mieux, avec les deux cartes dont il disposait déjà ?

"Et bien je crois que la première manche est pour moi Haiko."

Le yakuza laissa retomber ses cartes d'un mouvement plus crispé qu'il ne l'aurait voulu. Un sourire nerveux se dessina sur ses lèvres, de façon presque incontrôlée. Il avait du mal à avaler ce qui venait de se dérouler sous ses yeux. Pour tout dire, il enrageait même intérieurement.

Son adversaire, à qui il avait distribué ses deux cartes, s'était retrouvé avec deux figures en main. Il était donc parti d'emblée avec un total de vingt points, score qui dépassait de peu celui d'Haiko. Ce dernier, qui semblait en bien mauvaise posture, y avait pourtant vu la possibilité de faire aboutir cette manche en un nul. Il disposait en effet de l'As qu'il avait subrepticement dissimulé dans sa manche, ce qui lui permettrait de faire égalité avec le démon. Sauf si celui-ci décidait de tirer une carte supplémentaire et obtenait miraculeusement un As. Ce cas de figure était toutefois peu probable… Il ne le pensait pas suffisamment stupide pour prendre un risque aussi disproportionné. Il avait moins d'une chance sur treize de piocher la bonne carte depuis que le jeune homme avait retiré un des quatre As du jeu. Autant dire presque aucune.

Cependant, le démon avait eu l'inconscience de tenter le coup. Cela avait d'abord fait sourire Haiko. Quel idiot. Il allait lui offrir la victoire sans même qu'il ait eu à lever le petit doigt. Sa manœuvre lui épargnerait par ailleurs d'avoir à abattre son As, ce qui l'arrangeait davantage encore. Son visage, qui affichait à la fois un certain amusement et un air condescendant, ne tarda toutefois pas adopter une expression tout autre lorsqu'il avait vu avec incrédulité son adversaire sortir un As du paquet pour aller le poser parmi ses cartes. Ses pronostics s'étaient écroulé en un seul geste. Contre toute attente, il venait de perdre cette première manche.

Il ne comptait néanmoins pas se laisser emporter par l'amertume de cette défaite. Ravalant sa colère et dressant son habituel masque d'indifférence à l'encontre du démon, il déclara, avec un rire glacial :

"Bien joué, démon dont je ne connais pas le nom. Je ne m'attendais pas à ce que tu puisses gagner ne serait-ce qu'une manche… Enfin, voyons si la chance te sourira autant cette fois-ci."

Il rabattit ses cartes en direction de son adversaire pour que celui-ci les mélange à son tour. Une fois que celui-ci les eut distribuées, il ramassa les siennes, avec une certaine nervosité qu'il tâchait de dissimuler. Il ne s'agissait pas de perdre cette manche-ci, ou il pouvait dire adieu à tout espoir de rafler la mise. Il examina sa main. Un deux et un trois. Bien. Cela lui laissait suffisamment de marge pour éviter de dépasser les vingt-et-un trop vite. Etant donné que c'était à lui de commencer, il tira une nouvelle carte. Encore un deux. Il en était à sept points. Jetant un œil rapide à la carte que venait de prendre en main le démon, il en préleva une seconde. Un autre trois. C'était parfait. Une fois que le tour de l'autre fut fini, il fit mine d'aller piocher une nouvelle carte dans la pile d'un geste naturel, mais, dans un mouvement furtif, il s'empara de l'As qu'il avait tenu caché jusqu'alors et le ramena vers lui, comme s'il venait de le tirer à l'instant. D'un geste implacable, il le plaqua sur la table, sans toutefois se montrer brusque. Il fallait que sa manipulation n'attire aucun soupçon de la part de son adversaire.

"Eh bien, j'ai l'impression que ça nous fait un partout, annonça-t-il après avoir relevé les yeux vers celui-ci tout en esquissant un sourire triomphal. Il est grand temps que nous concluons ta défaite, à présent. Prépare-toi à vivre tes derniers instants de liberté avant sept jours..."