Si la routine de sa journée était plus qu’habituelle, Saytãn ne s’attendait pas à recevoir ce genre de message. C’était tellement rare. Et il y en avait tellement peu. Tant mieux d’un côté cependant, sinon ce serait triste. C’était un message directe de Luciel, il devrait aller lui-même ou envoyer quelqu’un chercher un ange qui venait d’être déchue. Il en avait entendu parler, par le biais de rapports ici et là, sans trop savoir, trop occupé avec les démons du manoir pour s’intéresser à tout ce qu’il pouvait se passer. Mais il faisait confiance au jugement de Luciel qui présidait le Conseil et à celui de Michael.

Se vêtant simplement d’un pantalon noir, d’un haut de la même couleur et d’une cape foncée, Saytãn coiffa un instant ses longs cheveux ébènes, il n’avait pas besoin de demander à ce qu’on l’accompagne dans la Cité, pas pour le moment, la personne qu’il allait chercher n’avait pas besoin de deux démons pour cela, et puis, il était le plus puissant des démons il se débrouillerait sans problème. Shinn aurait peut-être voulu l’accompagner, mais ce serait pour la prochaine fois.

Il s’était rendu à la ville de lumière en marchant, ne souhaitant pas utiliser ses ailes, il aimait ressentir ce changement d’atmosphère d’une manière proche. La chaleur, la fournaise, un peu de tension, puis du calme et un peu plus de beauté. Dans le sens inverse, c’était un peu moins bien, c’est sûr.

« Bonjour, Calemiah. »

L’archange était toujours là. Est-ce qu’un jour il se reposait lui ? Enfin bref, il lui donnait le papier qui l’autorisait à entrer, avant de se diriger vers un endroit où il n’avait pas vraiment l’habitude d’aller : la prison. Il saluant l’archange en garde avant que celui-ci lui donne les clefs.

« Eh bien, bonjour. Andromède c’est ça ? Tu as l’air d’être dans un sale état. »

Il disait cela, mais il n’était pas sûr de savoir si elle allait le détester pour ce qu’il était ou si au contraire elle l’appréciait. Il commençait à ouvrir la cellule.

Saytãn voyait beaucoup d’anges et d’archanges, à force il oubliait le visage de certains. Ceux qui ne l’aimaient pas principalement, préférant retenir ceux qui agissaient avec lui comme avec quelqu’un de normal plutôt que les autres, et ils étaient peu. Il avait ouvert la cellule, et s’apprêtait à aller faire de même avec les chaines qu’elle avait aux poignets. Mais elle se mettait près de lui. Plus près qu’aucun ange n’avait osé.

Pendant quelques instants, avant de la voir et en la voyant, Saytãn s’était demandé de quel camp elle était, et apparemment, elle était contre lui. Elle parlait déjà de le tuer. Si elle pensait comme ça, elle allait véritablement vivre l’Enfer dans le Manoir. Doucement il la repoussa. Il aurait peut-être dû emmener Shinn en fin de compte. Il ne défiait pas spécialement son regard, il se contentait de rester neutre. Juste histoire de l’embêter, il n’avait que faire d’une énième personne qui le détestait.

« Sache rester à ta place, tu ne pourrais même pas m’égratigner. »

Et voilà qu’elle lui parlait de lui en tant qu’ange. Il haussa un sourcil. Elle était assez vieille, de ce qu’il avait pu comprendre, enfin, elle était à la base une archange, et devait au moins avoir… Cinq cent ans d’existence ? Et elle se basait encore sur la bible ? d’un nouveau venu, Saytãn aurait pu le concevoir, juste parce que la religion était quelque chose d’omniprésent dans la culture humaine.

« C’est décevant d’entendre cela de la bouche d’une ancienne archange. Tu devrais savoir que je ne suis pas Satan, que Michael n’est pas Dieu et que la religion que vous avez sur terre ne nous concerne en rien. Même au Manoir, il y a une bibliothèque sur la création de ce monde, si tu souhaites t’y instruire. »

Oui c’était un petit pique, mais il n’aimait pas qu’on le compare à Satan ou a Lucifer de la bible. Cela donnait lieu a beaucoup trop de stéréotypes. Qui devenaient blessant au fur et à mesure, mais il avait pris l’habitude, alors il ne laissait jamais transparaitre le fait qu’il soit blessé, ce n’était qu’une inconnue de toute manière, tant que Michael restait agréable avec lui tout lui allait. Il n’avait rien répondu lorsqu’elle lui avait dit qu’elle était comme lui. Elle devrait avoir compris qu’elle ne l’était pas. Saytãn n’avait pas péché, lui, il était juste parti avec ceux qui enlevaient ce calme à la Cité. Lorsqu’elle lui tendait ses mains, il lui enleva ses chaines.

« Voilà, suis-moi maintenant. »

Encore il avait ignoré cette phrase. Etait-elle stupide au point de penser qu’elle avait la force suffisante pour le blesser ?

Oui Saytãn était un peu moins d’humeur. Quoi de plus normal quand la personne que vous vous apprêtez à aller accueillir vous dit clairement qu’elle devrait peut-être vous tuer. Ce n’était pas comme un électrochoc parce qu’il en avait l’habitude, mais c’était tout de même quelque chose de relativement perturbant même s’il ne le montrait pas. Elle s’était cependant excusée… Ce qui le perturbait encore plus d’ailleurs. Elle se mettait même à rire et à lui sourire. Mais Saytãn ne ferait pas un sourire à la Cité, et pas devant un ange, même s’il était déchu, il attendrait de savoir ce qu’elle pensait réellement.

Il ne répondit donc rien, préférant passer sur ces excuses étranges. Même si ce n’était pas courant, ce n’était pas cette raison qui allait le pousser à les accepter, on ne pouvait même pas dire qu’il était fâché en même temps, alors il e voyait pas quoi accepter. Elle s’était même mise à pleurer, et il soupira. Un ange qui pleure parce qu’elle croit qu’elle a fâché ce qu’elle considérait comme le Diable. C’était bien un comble.

Il s’était trompé, elle voulait le tester ? Pour qui se prenait cette angelote au juste ? Enfin, cette déchue. Elle avait déjà les ailes noires, normal.

« Tu as un comportement étrange. Non, il n’y a que les gens qui donnent trop d’importance aux évènements passés, ce qui empiète sur le présent. »

Et c’était vrai pour celui désigné comme étant le Diable aussi. Parce qu’il s’était laissé emporté, tout était ainsi, mais c’était mieux de cette manière, ainsi la vie de Michael, son bien aimé ami ne serait pas dérangée. Du moins, elle ne l’avait pas été avant l’arrivée de ce groupe. Il quitta ses pensées lorsqu’il entendait le nom de Michael de la bouche de l’ange. Rare était ceux qui ne mettaient un « Maître » devant son prénom, et peut-être qu’au fond, il aurait voulu le lui dire, de le respecter plus que cela.

« Quoi qu’on en dise, Michael est la personne qui m’est la plus chère en ce monde. »

Il s’arrêtait lorsqu’elle la vit encore pleurer. Décidemment, Saytãn faisait pleurer la déchue, était-ce une nouveauté ? Bon, maintenant, c’était l’heure de partir, il était mauvais pour un déchu de s’attarder trop longtemps. Elle rajoutait qu’elle était enchantée de le connaître.

« Ce n’est pas la première fois que nous nous voyons. Quoi qu’il en soit allons-y. »

Bah oui, il avait une bonne mémoire le vieux ! Se retournant, sortant de la cellule il finit par entendre de sa bouche. « Je vous aime bien ». Il se tourna un peu, lui lançant juste un regard.

« A ton aise. »

C’était rare qu’on lui dise ça et il ne savait pas vraiment quoi lui dire en fait. C’était un sentiment étrange. Il finit par déposer les clefs sur le bureau, de faire un signe de main a la personne qui était là et ensuite de se rendre avec la déchue, vérifiant qu’elle le suivait bien. Ils passèrent l’arche relativement rapidement.

« Prête à vivre dans ton nouveau chez-toi ? »

« Mon dernier chez moi ». Elle n’avait pas tort, c’était le dernier endroit ou la déchue pourrait se rendre. Elle ne pourrait pas tomber plus… bas si on disait cela comme ça. Elle ne pourrait plus remonter au paradis, comme on l’appelait dans certaines religions, ni retourner dans le monde des hommes. Au final c’était comme tout autre habitant du manoir, impossible d’avoir une « promotion » a la cité, mais ce n’était pas si mal que ça non ?

« Le manoir n’est pas aussi désagréable que tous le disent, tu vas finir par t’y faire. »

Certes, il y avait plein de rebus de l’humanité, mais si elle vivait à des heures normales à la cité, c’est-à-dire pas trop tard, elle ne les croiserait pas vraiment, il y avait aussi beaucoup de gens tout à fait sains d’esprit, et les haut placés – sauf peut-être Chikage ou Death mais qui sont des habitants de la nuit – ne cherchent aucnement les ennuis avec les autres. Sauf elle qui était une ange, peut-être subirait elle quelques brimades, et encore, pas de la part de tout le monde, certains n’en avaient juste rien à faire.

Le reste de la traversée se passait plutôt d’une manière silencieuse, Saytãn n’allait pas déranger les probables adieux qu’elle était en train de faire à la cité, du coup il ne lui parlerait que si elle lançait la conversation. Ils finirent par arriver devant le manoir et Saytãn se posa devant le large pont de bois qui était devant le manoir, sous lequel il y avait de la lave. Repliant et cachant ses ailes, il commençait à marcher, faisant signe de le suivre à Andromede. La chaleur ne le dérangeait pas, mais la première fois pouvait être un peu suffocante, surtout lorsqu’on était habitué à l’air frai de la cité. On ouvrit la porte au chef, avant qu’il ne rentre dans le manoir.

La décoration était un peu sombre mais elle n’en était pas moins jolie, les murs étaient d’une matière lisses et douces d’un violine sombre avec quelques lumières accrochés et un grand lustre en hauteur. Il y avait un peu de monde et le salon n’était pas bien loin. Sur la droite il y avait un petit guichet, des clefs accrochés, des corbeaux qui s’amusaient dessus.

Spoiler:

Si le silence était de mise pendant une petite partie de la promenade, si on pouvait appeler cela comme ça. Cependant la jeune nouvelle venue lui posait soudainement tout un tas de questions. Question qu’il allait lui expliquer toute à l’heure mais vu qu’elle avait l’air impatiente il entama tout de même une explication.

« Tu peux faire ce que tu souhaites, tu ne seras pas considéré comme une membre à part, tu n’es pas la seule déchue, et tu vivras dans une des chambres comme tout le monde.»

Néanmoins cela ne signifiait pas qu’elle ne devait pas faire attention, mais il espérait qu’elle l’ait compris, de toute manière il le lui rappellera et la surveiller au départ serait une bonne intention si elle ne voulait pas mourir dans la semaine, après un temps d’adaptation, ça irait mieux. Arrivant sur le pont,  Saytãn marchait tranquillement, laissant Andromède s’appuyer sur lui cela ne le dérangeait pas. Cependant… Quelque chose d’autre ennuyait le démon : la vue de son manoir… en glace à l’intérieur et Shinn.

Shinn qui d’ailleurs venait s’approcher de lui pour lui… hurler dessus ? Et on pouvait dire que Saytãn était… surpris et c’était pour une des rares fois très bien visible sur son visage. Shinn était fâché, il ne pourrait pas dire si c’était réellement justifiable ou non. Un sourire s’afficha sur ses lèvres lorsqu’il l’entendit plus calme. Et le surnom, aussi. Il soupira, avant de s’excuser, chose qui n’était pas commune, il fallait le surligner.

« Excuse-moi Shinn, je ne voulais pas te mettre dans l’ambarras cependant… Qu’est-ce qu’il s’est passé ici au juste ? »

Le manoir était devenu une véritable patinoire géante, enfin du moins une bonne partie du hall, s’avançant près de Shinn faisant signe à Andromède de le suivre, sous les pas du chef du manoir, la glace fondait, comme lorsqu’ils s’étaient combattu tous les deux.  

« Oh et voici une nouvelle arrivante, Shinn je te présente Andromède. » Il se tourna vers la jeune femme et continua « Shinn est mon protecteur personnel. »