Le chef du manoir n’avait pas dormi de la nuit… Ou plutôt de la journée et la soirée pointait déjà le bout de son nez. Une nouvelle surprenante de la cité venait de lui arriver en matinée : des affiches avaient été posées, dévoilant le nom de l’organisation qui souhaitait sa mort et celle de tous les autres démons. La cité était en ébullition et il devrait bientôt l’annoncer aux habitants du manoir. Et absolument faire accompagner les messagers. Voire même demander à sa garde de le faire directement et d’accompagner ceux-ci.

Sur la chaise de son bureau, poussée a un ou deux mètres il posa une main sur son front. Il avait l’impression que tout lui tombait dessus et il soupirait. Même s’il ne laissait rien paraître il se souciait évidemment du devenir des personnes qui se rendaient à la Cité et quiconque l’était savait très bien qu’il n’était pas aussi hautain et vil que les rumeurs ne le mentionnaient, qu’il s’agissait simplement d’une façade.

Finalement il n’arrivait pas à se concentrer alors il décidait de se jeter sur son lit. Il avait demandé aux gardes de partir de devant ses appartements ; il était capable de se défendre seul et les environs du manoir avaient besoin de plus de protection que sa chambre. Il ferma un instant les yeux, croyant s’endormir.

Ce qui est pratique avec les personnes importantes bénéficiant de la sécurité des gardes, c'est qu'elles oublient souvent de tourner le verrou. Même lorsqu'elle congédie leurs gardes. Par ailleurs, elles ont toujours des logements propres et des portes bien entretenus avec des gonds qui ne grince pas et des poignées qu'on peut ouvrir sans forcer.
Le paradis des voleurs, assassins et d'un certain messager. Les premiers vont tacher d'être rapide, les deuxièmes se condamnent à mourir et le dernier n'est pas assez fous pour approcher de son seigneur endormie. Il serait assez ennuyant en effet d'être confondus avec une menace et tué. Enfin, anéantit, puisqu'ils étaient déjà mort.

En silence, il l'observa dormir, appuyé contre le mur, à coté de la porte. Un instant de voyeurisme parce qu'il fallait avouer que Saytan réussissait toujours à embellir la vue de n'importe quel endroit. Patient et sachant parfaitement qu'il venait sans rendez vous, il attendit que le seigneur le remarque. Il n'allait pas briser sa sieste après tout... Mais ils avaient à parler.
Il n'était pas dans ses habitudes -contrairement au fait de s'introduire dans la chambre de quelqu'un – de discuter les ordres de son supérieurs mais... Il ne pouvait pas approuver une telle décision. Il ne pouvait pas accepter une telle décision.
Enfin... Il n'avait rien à livrer, il pouvait donc patienter.

C’était probablement mal de vouloir dormir maintenant, mais c’était tout aussi mal de ne pas réfléchir à tête reposée, lorsque tout s’enchainait. Les problèmes n’allaient pas s’enfuir, bien malheureusement. Ils seraient aussi présents à son réveil. Il n’était pas spécialement endormi… Disons qu’il somnolait et avait quelques rêves, quelques scènes qu’il ne gardait pas en mémoire en ouvrant les yeux.

Cinq petites minutes, voilà le temps de repos qu’il avait réussi à s’accorder avant de ressentir une présence. Pas gênante, mais une présence quand même. Si la dernière fois que cela était arrivé, il avait cru a Maiwen et avait emmené ladite personne – Kuroime- dans son lit pour lui servir d’oreiller, il n’allait pas refaire la même erreur. Se frottant légèrement les yeux, légèrement tendu de savoir qui était dans sa chambre, si c’était encore un cavalier qui souhaitait lui parler…. Mais non. Il s’agissait d’un autre démon. Un messager qu’il connaissait sous le nom de Sytry.

« Sytry ? Que fais-tu ici ? » Sa voix était calme, et il se décrispait. Par chance il n’avait pas à parlementer avec Death une nouvelle fois. Il se relevait un peu d’ailleurs, un peu de tenue quand même Saytãn ! Tenue qui d’ailleurs était froissée… bref sur le coup, il n’avait pas l’air de celui qu’il était en public. Il s’assied sur son lit, et lui montra la chaise légèrement éloignée de son bureau. « Viens approche. Je ne vais pas te manger. »

« Oh, je ne crains pas que vous me mangiez mais j'ai pour habitude de ne pas réveiller les hommes qui dorment. »
Surtout si ceux ci sont capable de le réduire à néant quasiment d'un simple regard. Du reste, il avait une certaine fierté en tant que messager de toujours savoir déposer le courrier sur l'oreiller d'un être endormie sans perturber son sommeil. C'était plus théâtral. Mais il n'était pas venu pour discuter sommeil et il n'aimait tournait autour du pot qu'avec les personnes idiotes ou perdues. Le seigneur Saytan ne faisait partit d'aucune de ces deux catégories...

« Je suis navré de vous dérangez dans votre léger repos mais il m'est parvenu aux oreilles un ordre qui ne peut être tel que je l'ai entendu. Vous me permettrez donc je l'espère de venir vous demander confirmation. »
Après tout, il pouvait y avoir un minuscule pourcentage de chance qu'il se soit trompé, que tout ceci ne soit qu'une erreur de sa part. Peut être même une gigantesque blague. Le seigneur des démons ne pouvaient leur avoir imposé un tel fardeau en toute lucidité.

« J'ai ouïe dire que vous vouliez faire accompagner chaque messager d'un chaperon 'pour leur sécurité'... Nous sommes d'accord que ce n'est pas le cas, que ça ne peut pas être le cas, n'est ce pas ? »
Au travers de ses lunettes, ses yeux clairs fixés ceux du seigneur, le message devait être assez clair à présent. Sinon il se ferait un plaisir de l'explicité. Du temps qu'il ne dépassait pas les bornes, il ne risquait rien, non ?... Il ne devait pas prendre de risque.

Habitude de ne pas réveiller les hommes qui dorment ? Est-ce qu’il y avait un sous entendu là dedans ou est-ce que cela signifiait autre chose ? Ou tout simplement rien ? On est pas toujours obligé de faire des sous-entendus au manoir n’est-ce pas… ? Saytan était trop fatigué pour y réfléchir sérieusement, et pourquoi devait-il réfléchir sérieusement en présence de quelqu’un qui ne le détestait pas ? Du moins si c’était le cas, il le cachait bien, on pouvait dire.

« Je vois »

Il n’allait pas tergiverser sur sa phrase pendant mille ans, il était venu pour lui demander quelque chose. Il s’excusait d’ailleurs de le déranger. Hum c’était un peu trop cérémonieux à son goût, ces paroles, mais il faisait avec, venant de certains il avait l’habitude et cela ne traduisait pas forcément qu’on avait spécialement peur de lui.

« Je t’écoute, je t’écoute, tu ne me déranges pas vraiment. »

Il avait haussé un sourcil, en fait mais s’il se doutait un peu de ce dont il allait parler. Le dernier ordre commun qu’il avait donné aux messagers serait de ne se rendre dans la cité qu’accompagner. Et il avait raison. Il soupira doucement. Pourquoi ne voulait-il pas être accompagné ? Hum. Il allait lui demander de toute manière.

« C’est bien l’ordre que j’ai donné. Pour quelle raison ne souhaites-tu pas être accompagné Sytry ? » Le ton qu’il avait employé n’était pas mauvais, au contraire il était réellement curieux de savoir pourquoi il continuait d’ailleurs. « Si tu m’expliques pourquoi, et que cette raison me convient je veux bien songer à faire une exception. » Saytan finissait par doucement se lever, prenant une tasse se servant du thé il demandait à Sytry. « Tu en veux ? » On ne voyait pas bien souvent Saytan de cette manière. Il avait remarqué qu’il ne s’était pas assis sur la chaise, et il se demandait s’il était mal à l’aise. Lui proposer du thé, cela voulait dire aussi que la conversation pourrait durer sans que cela ne le dérange.

Il avait vraiment donner cet ordre. Naturellement. C'eut été trop simple que tout ceci ne soit qu'un bruit de couloir. Sytry retint un soupir. Ce serait trop en montrer. Pourtant, il allait devoir en montrer, briser son silence et s'exprimer. Car malgré le sourire sur ses lèvres, il était contrarié, très contrarié.

« C'est simple. Personne dans ce manoir ne pourrait me suivre et me permettre de faire mon boulot correctement. Mon efficacité réside dans ma discrétion et ma vitesse. Coller des boulets aux pattes des messages les plus lent si vous penser que cela les aidera mais laisser moi faire mon travail sans être ennuyé. »
Il s'était emporté. Remettant son col en place, il poursuivit d'un ton plus calme :

« Je ne dis pas que votre idée est mauvaise mais je serais plus en danger si je dois constamment me soucier de savoir si mon 'protecteur' et bien avec moi que si je peux effectuer mes courses sans avoir à e retourner ou a emprunter des itinéraires faciles. »
Après tout, les messagers étaient rodés à la tâche, ils connaissaient la cité et très peu des habitants du manoir pouvait en dire autant. Qui plus est, en tant que panthère, il était habitué à se fufiller dans des endroits plus difficiles d'accès les un que les autres.
Et puis cette mesure ne lui plaisait pas pour une autre raison. Comment conserver son mystère et ses informations s'il était tout le temps suivit ? Mais pour être entendu, il valait mieux ne pas se fermer, aussi ajouta t-il :

« Pour le thé, eh bien, pourquoi pas. »
Il ne buvait jamais rien pendant le service. Mais il n'était pas en service. Et de toute façon, Shaytan n'avait pas besoin de le droguer pour coucher avec lui.

Saytãn était plutôt calme… A vrai dire il ne soupçonnait pas que Sytry puisse être en colère ou quoi que ce soit… Pour lui c’était normal de chercher à protéger les démons qui se rendaient à la cité, de les protéger des attaques qu’ils pourraient subir… et de les protéger de leur propre colère aussi… Certains pourraient chercher a enquêter, à interroger des anges… Il ne voulait pas de ce genre d’initiative… pas comme ça. Surtout qu’il avait assigné des personnes puissantes de sa propre garde personnelle, pas n’importe qui en sommes…

Saytãn haussait un peu un sourcil en le voyant s’exprimer ainsi, il s’emportait un peu, il était bien plus… froid ? D’habitude. Il le laissait se reprendre et dire ce qu’il avait à dire. Il n’allait pas lui reprocher de lui parler « pas aussi respectueusement que d’habitude », il s’en fichait, il avait dit qu’il l’écouterait alors le brider dans sa manière de s’exprimer pourrait faire qu’il ne dise pas tout.

« Sache que je comprends ton avis, mais aussi que j’ai assigné des personnes puissantes de ma propre garde pour ce travail. »

Saytãn réfléchissait quelques instant, il n’avait jamais rien eu contre Sytry, au contraire, il ne pourrait pas dire que leur rapports étaient amicaux, car celui-ci ne pourrait sans doute pas le considérer comme un ami, mais plutôt comme un supérieur – ce qu’il était, en soit- Il allait donc chercher le thé, et il lui et lui en proposait. Il acceptait et lui tendait donc la tasse de thé en en prenant une pour lui. Il commençait à boire.

« Pourquoi pas après tout ? Tu ne serais sans doute pas venu ici sans que ta raison soit importante pour toi. Et tu es le premier qui vient me voir pour dire que cela dérange. Mais peut être que les autres n’osent pas. » Cette phrase était plus une question déguisée en affirmation. « Tu t’es déjà introduit plusieurs fois ici pendant mon sommeil, plutôt bien. Cependant, si je te laisse te rendre a la cité seul, vas-tu enqueter sur ces anges ? Ou simplement faire ce que je te demande ? Je veux une réponse sincère. » Saytãn le regardait dans les yeux, mais ce n’était pas pour l’intimider non, juste pour avoir une réponse sincère, son regard n’avait rien d’effrayant, du moins il ne le voulait pas.

La tasse contre les lèvres, Sytry but une gorgée alors qu'un sourire se dessinait. Ce petit sourire mi-mystérieux mi-satisfait. Sa colère s'évanouit aussitôt. Le simple fait que Saytan n'envoie pas bouler sa requête suffit à cela. A présent, ce n'était qu'une question de discussion et il n'avait même pas besoin de mentir. De toute façon, il ne mentait pas au seigneur des démons. Saytan avait bien des moyen de lui faire dire la vérité et il préférait ne pas prendre ce risque. Au pire omettait il certain détail, tournait il la phrase comme cela l'arrangeait... Mais pas cette fois. Nul besoin.

« Si vous me demandez d’enquêter, je le ferais. Autrement... et bien si j'entends quelques chose je ne peux pas vous promettre de l'oublier mais je n'irais pas fouiller. Il but une autre gorgée de thé avant de reprendre. Je préfère les informations obtenu sans grand risque à celle qui risque de me mettre à dos les anges et votre personne. »
Il ne prendrait pas ce risque. A moins qu'on ne le lui demande. Parce qu'il respectait plus Saytan qu'il ne pourrait jamais craindre les anges. Et puis, un ordre direct lui assurerait une certaine protection dans ses recherches. Au moins vis à vis des démons, ce n'était pas rien. Il avait beau dire, il aimait savoir et s'il s'en tiendrait à ses mots, il ne serait pas contre de fouiner la dedans.
Mais le seigneur infernal devait déjà avoir assigné ses meilleurs éléments à cette tâche, non ? Un simple messager... serait plus utile à transmettre les messages.

« Tout ce que je veux, c'est pouvoir faire mon travail en toute liberté. »

Saytãn buvait doucement son thé, il était à présent bien réveillé et avait les idées en place. Il venait de demander ses raisons à Sytry, pour qu’il ne soit pas accompagné en allant à la Cité. Il voulait voir si ce n’était pas sa propre fierté, mais au fil de ses explications, il voyait que… Ce n’était pas vraiment le cas, du moins, cela empièterait sur sa manière spécifique de travailler. D’autant plus qu’il n’allait pas chercher les problèmes et il lui semblait fidèle, autant lui accorder ceci.

« Soit. » Il se levait de son lit et allait vers son bureau, à quelques mètres dans sa grande chambre il invita le démon à le suivre avant de prendre un papier et d’y écrire son autorisation. « Luciel va râler mais… Accordé. Il te faudra montrer celui-ci aux gardes dorénavant pour rentrer. Il spécifie que tu as le droit d’entrer seul. » Un démon non accompagné autrement… ne rentrerait plus à présent. Luciel était trop bureaucratique mais… il acceptera de toute façon, l’ordre venait de Saytãn.

« Oh et bien d’ailleurs j’ai une mission pour toi… » C’est qu’il tombait bien. Saytãn pris une enveloppe ou trainait quelques dossiers, c’était plus lourd que d’habitude à transporter mais cela restait léger. Il prit une gorgée de son thé avant de fermer l’enveloppe à l’aide de cire avec son propre sceau. « Je souhaite que tu donnes ceci à Luciel, il officie dans la tour du conseil, tu sais ou es son bureau ? de façon directe cependant, je ne peux me permettre que ces documents tombent dans de mauvaises mains. Tu lui diras que cela concerne le prochain Conseil, il comprendra. Tu pourras en profiter, s’il ne râle pas trop, pour faire co-signer l’autorisation que je viens de te donner par celui-ci, sait-on jamais. »

Luciel n’était pas inconnu ici, au contraire, il s’agissait du chef du Conseil et du second de Michael mais Saytãn ignorait s’il l’avait déjà rencontré en personne ou non.